Les Haïtiens accueillent avec prudence la nouvelle force internationale approuvée par l'ONU pour lutter contre les gangs
- Renouvo Demokratik
- 4 oct.
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Par: DÁNICA COTO et EVENS SANON
Associated Press ,1er octobre 2025
PORT-AU-PRINCE, Haïti (AP) — Les radios à travers Haïti étaient animées mercredi par l’annonce de l’approbation, par le Conseil de sécurité de l’ONU, de la création d’une nouvelle force internationale chargée de lutter contre les gangs, dans le but d’appuyer le pays face à une crise persistante.
Cette nouvelle force viendrait remplacer une mission plus modeste, soutenue par l’ONU et dirigée par la police kényane, encore confrontée à un manque de personnel et de financement, dont le mandat arrive à échéance le 2 octobre.
« J'espère que ces gens sont sérieux cette fois-ci », confie Darlene Jean-Jacques, qui vit avec son fils de 10 ans dans un refuge surpeuplé et insalubre, après que des gangs ont attaqué leur quartier et tué son compagnon. « Une force qui viendrait réellement soutenir les Haïtiens serait une chance pour que les gens puissent reprendre leur vie en main. »
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, les gangs ont considérablement renforcé leur emprise. Ils contrôlent aujourd’hui près de 90 % de Port-au-Prince et ont étendu leurs activités, notamment les pillages, les enlèvements, les violences sexuelles et les viols, jusqu’aux zones rurales. Le pays demeure sans président depuis cet événement.
Face à cette situation, une nouvelle force internationale a été approuvée mardi par le Conseil de sécurité de l’ONU (Prenez connaissance du texte complet de la résolution du Conseil de sécurité en cliquant sur le lien ci-dessous).
Mais de nombreux Haïtiens, ainsi que des experts, accueillent cette annonce avec prudence, conscients des limites et des précédents liés à ce type d’intervention.
Une lacune en matière de sécurité
On sait peu de choses sur le calendrier de déploiement de la nouvelle force, qui compterait 5 550 hommes, un mandat de 12 mois et le pouvoir d’arrêter des membres présumés de gangs, ce qui manque à la force actuelle.« Il y a quelques réponses et encore beaucoup d’incertitudes », a déclaré Diego Da Rin, analyste de l’International Crisis Group.
Le gouvernement américain a déclaré qu'il était confiant qu'il y aurait suffisamment de troupes à envoyer en Haïti entre l'Afrique et l'hémisphère occidental, mais « certains observateurs doutent que ce soit si facile », a déclaré Da Rin.
Un bureau d'appui des Nations Unies garantirait le financement de la mission, mais les salaires du personnel dépendraient de contributions volontaires, et il n'y a pas eu de négociations significatives sur qui serait prêt à fournir ces fonds, a-t-il déclaré.
Une autre préoccupation majeure concerne la transition de la mission actuelle vers une force de répression des gangs. Des discussions en cours estiment que la nouvelle force pourrait être opérationnelle d'ici un an, mais les fonds manquent actuellement pour maintenir le contrat de service qui fournit à la mission actuelle nourriture, hébergement et autres services au-delà de cette année, a déclaré Da Rin. Ce vide en matière de sécurité, a-t-il noté, pourrait être problématique.
La communauté internationale a échoué
Comme beaucoup d’autres Haïtiens, Mario Jean-Baptiste vit dans un refuge surpeuplé avec ses trois jeunes enfants depuis que des gangs ont détruit leur quartier de Solino l’année dernière.« C'est une bonne chose qu'une nouvelle force arrive, mais j'espère qu'elle ne sera pas comme les farceurs d'ici », a-t-il déclaré à propos de la mission actuelle en Haïti. « Nous avons besoin de gens qui vont vraiment traquer ces individus pour qu'un jour nous puissions rentrer chez nous. »
La mission actuelle a débuté il y a plus d’un an, mais elle compte encore moins de 1 000 hommes, bien en deçà des 2 500 prévus, et environ 112 millions de dollars dans son fonds d’affectation spéciale, soit environ 14 % des 800 millions de dollars estimés dont elle a besoin chaque année.« La communauté internationale a laissé tomber Haïti avec cette mission », a déclaré Da Rin. « Elle n'a pas eu l'occasion de démontrer son efficacité. » Il a toutefois indiqué que la force kényane avait contribué à ralentir l'avancée des gangs qui contrôlent environ 90% de Port-au-Prince et ont pris le contrôle de nombreuses communautés dans la région centrale d'Haïti.
« Ils se disent révolutionnaires », a déclaré Jean-Baptiste à propos des gangs. « Ils n'ont fait que détruire ma vie. » Le gang qui a attaqué son quartier a également brûlé un petit bus qu'il avait loué pour l'utiliser comme taxi, le laissant sans aucun revenu.« Je ne peux pas envoyer mes enfants à l'école », a-t-il dit. « Je ne prévois pas de leur donner de l'argent prochainement pour qu'ils puissent faire des études. »
Des mois « décisifs » à venir
La violence des gangs a laissé un nombre record de plus de 1,3 million de personnes sans abri à travers Haïti ces dernières années, et la faim et la pauvreté ne font que s'aggraver.
Des millions d’Haïtiens restent frustrés de voir que leur situation ne s’est pas améliorée malgré la promesse d’une nouvelle force internationale. « Ils ne vont pas venir ici pour faire quoi que ce soit ! » a crié une femme, qui s'est simplement identifiée comme Estere avant de s'éloigner dans un abri de fortune. Mais les responsables haïtiens et américains restent optimistes.
Le secrétaire d’État américain Marco Rubio a déclaré que le gouvernement américain travaillerait avec d’autres pour assurer le « déploiement rapide » de la force de répression des gangs.
La nouvelle force « répondra aux défis immédiats en matière de sécurité d’Haïti et jettera les bases d’une stabilité à long terme », a-t-il déclaré.
Romain Le Cour, directeur de l'Observatoire haïtien de l'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée, a déclaré : « L'adoption de la résolution envoie un message clair aux groupes criminels et à leurs soutiens potentiels. Les prochains mois seront décisifs pour l'avenir du pays. »
Traduction: NOVAVOX












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