Analyse critique de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur Haïti
- Renouvo Demokratik
- 3 oct.
- 4 min de lecture
Par Jacques Charlemagne:
Membre de : ESKANP (Efforts Solidarité pour Construire une Alternative Nationale et Populaire),
ROZO (Réseau des Organisations de la Zone Ouest) & RED (Renouveau Démocratique)

Ce qui se joue ici, ce n’est pas la sécurité, c’est la domination
Le 30 septembre 2025, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une nouvelle résolution transformant la mission Multinational Security Support (MSS) en une Force de Répression des Gangs (GSF), pour une durée renouvelable de douze mois. Douze pays ont voté en faveur. La Russie, la Chine et le Pakistan se sont abstenus. Une triple abstention qui ne relève pas du hasard.
Selon le texte, cette nouvelle force aura le pouvoir de procéder à des arrestations, d’agir en dehors de toute coordination avec la Police Nationale d’Haïti (PNH), et d’exercer un contrôle sécuritaire direct sur le territoire haïtien. Mais nous posons une question simple :
S’agit-il vraiment de sécurité ou d’un silence imposé au prix de notre souveraineté ?Un chaos savamment tissé : l’insécurité comme arme impérialiste
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, déjà réduit de son vivant au rôle de valet des intérêts étrangers et du capital local, la gouvernance du pays a glissé entre les mains de pouvoirs illégitimes, adoubés par des chancelleries étrangères, sans validation populaire, sans processus électoral, sans transparence.
C’est dans ce vide démocratique méthodiquement entretenu que s’installe une politique de chaos planifié, où la violence des gangs, la paralysie des institutions et la peur généralisée deviennent des prétextes commodes pour justifier l’escalade des interventions militaires étrangères et la mise sous tutelle politique du pays.
Et tout cela se déroule avec la bénédiction active ou la complicité silencieuse des Nations Unies, dont le Conseil de sécurité agit comme bras diplomatique des puissances impérialistes, les États-Unis en tête, moteur assumé de cette architecture de domination
Contrôle des ressources : le nerf caché de la guerre
Derrière les discours sécuritaires, il faut regarder ce que cette “mission” permet réellement de contrôler. La sécurité, dans ce cadre, n’est pas une fin en soi mais un mot-code, un passeport diplomatique, pour un accès privilégié aux ressources matérielles, territoriales, économiques et humaines.
Ressources naturelles : pillées sous couverture de chaos
Haïti recèle de riches gisements de métaux précieux, notamment or, cuivre, bauxite et iridium, convoités depuis longtemps mais rarement exploités par les Haïtiens eux-mêmes. Plusieurs multinationales étrangères, américaines, canadiennes et autres, détiennent des permis dormants, en attente d’un “terrain sécurisé” pour passer à l’action.
La mission GSF ne répond pas aux cris de la population. Elle agit comme un garde-fou armé au service de l’extraction.
Ressources institutionnelles : prises en otage par l’aide étrangère
L’État haïtien est réduit à une coquille vide. Les agences internationales et les ONG telles que USAID, l’ONU, la Banque mondiale et la BID remplacent les structures nationales dans les domaines essentiels comme la santé, l’éducation et l’assistance sociale. Ce sont les “partenaires” étrangers qui décident seuls de l’usage des milliards de dollars d’aide , tandis que la population haïtienne demeure exclue de tout contrôle, de toute orientation, de toute souveraineté.
Le chaos organisé ne relève pas de l’improvisation. Il sert à délégitimer l’État et à justifier sa substitution par une gouvernance technocratique, pilotée depuis l’extérieur.
Forces de travail et territoire : marchandisation sans souveraineté
La main-d’œuvre haïtienne est l’une des plus précaires et exploitées de la région. Les projets économiques promus par les bailleurs internationaux se concentrent sur des zones franches, où les salaires sont dérisoires, les droits syndicaux inexistants, et les protections sociales systématiquement démantelées.
Pendant ce temps, les terres agricoles sont accaparées pour des projets agro-industriels tournés vers l’exportation, au mépris des besoins alimentaires et de la souveraineté paysanne.
Qui sécurise quoi, ici ? Le peuple. Non. Ce sont les profits des élites transnationales qui bénéficient du dispositif.
L’ONU, partenaire d’un système d’exclusion planifiée
Loin d’être un arbitre neutre, l’Organisation des Nations Unies agit en complice d’une architecture impérialiste. Elle valide des transitions sans élection, accompagne des changements de pouvoir sans peuple, et cautionne l’élimination de toute voix dissidente sous prétexte de lutte contre la violence.
La sécurité, dans ce dispositif, devient l’arme de la dépossession politique. Elle sert à étouffer les luttes populaires, à criminaliser les mouvements sociaux, à neutraliser les alternatives nationales
Des forces passées, un présent qui empire
MINUSTAH, MINUJUSTH, MSS, GSF — la liste des interventions internationales en Haïti ne cesse de s’allonger au fil des années. À chaque nouvelle mission, on observe une présence militaire accrue, une autonomie grandissante vis-à-vis des autorités haïtiennes et une transparence de plus en plus réduite envers la population. Malgré ces déploiements successifs, la situation sur le terrain ne s’améliore pas : l’insécurité augmente, l’État se fragilise davantage, la dépendance à l’aide étrangère s’accentue, et la souveraineté populaire s’érode.
Ces constats soulèvent de sérieuses questions sur l’efficacité et les véritables objectifs de ces interventions, des questions brûlantes que nous posons en tant que citoyennes et citoyens debout, non par curiosité mais par exigence démocratique, au cœur de notre droit à décider, à construire, à exister.
Pourquoi le peuple haïtien n’a-t-il jamais été consulté dans ces décisions qui engagent son avenir et sa dignité ?
Pourquoi la communauté internationale rejette-t-elle toute solution haïtienne, pensée et portée par les Haïtiens eux-mêmes ?
Pourquoi l’ONU choisit-elle toujours l’option militaire, jamais l’éducation, jamais le social, jamais la reconstruction populaire ?
Pourquoi la parole populaire est-elle systématiquement étouffée ou ignorée, au nom d’une paix qui ne protège que les puissants ?
Résistance et lucidité face à l’hypocrisie sécuritaire
Le vrai projet ici n’est pas de “sauver Haïti”, mais de garder la main sur Haïti. Ce n’est pas la population qu’on cherche à sécuriser, mais les profits, les intérêts géostratégiques et les ambitions politiques de puissances qui se comportent en propriétaires de l’île.
Nous refusons un pays où le peuple est désarmé, dépossédé, réduit au silence pendant que l’étranger décide, exploite et impose.
Nous voulons une Haïti souveraine, vivante, organisée, pas une colonie déguisée sous un uniforme onusien.À toutes les femmes et tous les hommes, à toutes les citoyennes et tous les citoyens du secteur progressiste et de la gauche populaire : Ne vous laissez pas endormir par le langage diplomatique. Ces forces ne sont pas là pour nous protéger, elles sont là pour nous empêcher de nous protéger nous-mêmes.












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