Lascahobas : la ville qui refuse de mourir
- Renouvo Demokratik
- il y a 1 jour
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Par : Michel Legros,
Sitwayen Pou Respè Konstitisyon.

J’écris depuis Lascahobas. Une ville à moitié occupée, mais debout. Dans les rues, les visages sont rares, les volets se ferment tôt, et pourtant l’air vibre d’une obstination étrange : celle d’une population qui refuse de céder malgré les assauts répétés des bandes armées de Jeff Canaan et de Lanmò San Jou.
Depuis des mois, ces groupes testent la résistance d’une cité abandonnée par son propre gouvernement. Comme à Kenscoff, les attaques reviennent chaque semaine. Le scénario est connu : épuiser avant de frapper, comme à Solino, à Saut-d’Eau, à Mirebalais — un quartier et deux villes tombés après leur mise à genoux.
Le 14 novembre, un jeune policier de 27 ans, Wadley Jane, transporté en République dominicaine, est mort des suites de ses blessures. Le même jour, le brigadier Edrice Étienne a été blessé et transféré lui aussi de l'autre côté de la frontière.
Deux semaines plus tôt, Sauveur Flamand, agent du BSAP, avait été grièvement blessé : il devait succomber deux jours plus tard.
Le commerce tourne au ralenti
Courtoisie, le restaurant-phare — lieu de rencontre des jeunes, des commerçants, des fonctionnaires — a fermé ses portes. Un autre tient encore. La principale institution financière, pilier de l’économie locale, avait baissé le rideau avant de rouvrir : « Si nous partons tous, c’est fini. »
Les rues autrefois animées résonnent désormais du crépitement des tirs sporadiques — ceux de soldats improvisés, de résistants qui jurent que leur ville ne tombera pas.
Au cœur de cette détresse, souvent en première ligne, le maire tient debout, simple rappel que la ville n’a pas cédé. À ses côtés, le chef du commissariat lutte. Avec une poignée d’hommes, il se bat — sans sommeil, sans illusions, avec la seule conviction qu’abandonner serait trahir.
Et pourtant, la ville ne demande qu’une chose : doubler l’effectif des Swat. Rien de plus.Pourquoi le gouvernement s’y refuse-t-il ?Par indifférence ? Ou pire : par calcul politique ?
À quand une contre-offensive digne de ce nom pour déloger ces groupes ? C’est l’affaire d’une compagnie de cinquante hommes. Rien de sorcier : une simple question de volonté. La PNH a su mettre les moyens à la Croix-des-Bouquets.Pourquoi ce deux poids, deux mesures ?
Pendant ce temps, à quelques kilomètres de là, Mirebalais est oublié. Trahi. Livré. Abandonné. Nos gouvernants attendent le Blanc — celui-là même qui avait fédéré les gangs — et dont le discours se résume à deux mots : mission étrangère.
Mission étrangère qui rime avec des centaines de millions de dollars.Pour deux mille Kenyans, on voulait débloquer 350 millions.Pour douze mille policiers haïtiens, à peine cent millions. Voilà la mesure de leur hypocrisie.
Comme la guerre, le chaos rapporte. Il crée des contrats, des budgets, des justifications. Pendant quatre ans, ni les Nations unies ni leur principal allié n’ont jamais plaidé pour le renforcement de la PNH ou des FAD’H. Pas une seule fois.
Aujourd’hui, la somalisation d’Haïti sert un dessein clair : l’effondrement qui précède les appels d’offres, les plans de reconstruction sur dix ou vingt ans, les milliards à gérer et à perdre, comme tant d’autres avant eux.
Ce chaos voulu est rentable
Regardez l’étendue des dégâts dans Port-au-Prince et imaginez le coût de sa reconstruction. On devra le rebâtir — ou du moins faire semblant en signant de juteux contrats, comme après ce « bénéfique » tremblement de terre, si parfaitement taillé pour la gloutonnerie des Clinton. Une reconstruction perpétuelle, voilà l'objectif.
Ici, on parle d’une cinquantaine de bandits occupant Mirebalais. Les responsables ont choisi d’être impuissants.Ils refusent de prendre l’initiative, détournent le regard, s’abstiennent de lancer la reconquête. Il leur faudrait quoi ? Deux cents, trois cents hommes ? Certes, ils ne les ont pas. Mais qu’ont-ils fait pendant tout ce temps ? Ils auraient pu les constituer dix fois.Chaque jour renforce l’idée que cette inaction est à la fois un choix et une incompétence tranquille, nourrie d’indifférence.
Lascahobas tient, malgré tout.Et dans ce black-out, une certitude s’impose : si cette ville tombe, ce ne sera pas faute de courage mais faute d’État.












Très belle rédaction👏