L’intérêt privé prend contrôle de l’État : une dérive grave
- Renouvo Demokratik
- 8 août
- 2 min de lecture
Par : Michel Legros,
Sitwayen pou Respè Konstitisyon.-

En Haïti, l’absurde s’institutionnalise. À la tête de l’État siège désormais un représentant déclaré du secteur privé. Une telle confusion entre intérêts particuliers et intérêt général constitue une dérive inédite et dangereuse.
Depuis l’Antiquité, de Platon à Tocqueville, en passant par Aristote, Rousseau et Hegel, les penseurs ont averti : l’autorité publique ne peut être exercée par ceux qui poursuivent d’abord le profit. L’État n’est pas une extension des entreprises privées, mais le garant du bien commun.
La désignation, à la tête du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), d'un représentant officiel des hommes d’affaires, aux côtés d’un Premier ministre patronné par le même milieu, consacre une prise de contrôle de l’exécutif par des intérêts économiques. Aucun mécanisme de prévention des conflits d’intérêts n’a été instauré, en violation des principes de bonne gouvernance. Cette situation alimente une perception légitime de collusion entre pouvoir politique et groupes économiques.
Gouverner un pays ne consiste pas à gérer une entreprise. L’un vise le profit, l’autre doit viser la justice sociale et la souveraineté populaire. En installant un tandem patronal au sommet de l’État, on expose les décisions étatiques à des logiques marchandes, dans un pays miné par les inégalités.
Même Berlusconi ou Trump ont su quitter officiellement leurs entreprises avant de gouverner. Ici, la confusion est assumée.
Il est urgent de restaurer la séparation entre sphère publique et intérêts privés. Le secteur privé peut être consulté, il ne peut diriger. Car gouverner, c’est servir l’universel.
Mais voilà qu’en Haïti, la Res Publica cède la place à la Res Privata. Quand la République devient une affaire privée, le mot lui-même perd tout son sens.
Il ne s’agit plus de continuer, par commodité, par paresse intellectuelle, à utiliser des mots d’emprunt inappropriés qui décrivent d’autres réalités, mais d’écrire enfin le Manuel haïtien des sciences politiques avec ses concepts originaux, ses catégories uniques et son vocabulaire propre.

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