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Réponse à Franck Lauture et au CPT: Défendre l'imposture ou servir la Nation?

  • Photo du rédacteur: Renouvo Demokratik
    Renouvo Demokratik
  • 25 juin
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 juin

Un appel au courage politique face à la dérive constitutionnelle

Notre Éditorial,

Par: Yves Pierre, Politologue

- PC:  Novavox -
- PC: Novavox -

Monsieur Lauture, Messieurs les membres du Conseil Présidentiel de Transition,

Votre récente déclaration lors des "Mardis de la Nation" mérite une réponse franche et directe. Non pas pour engager une polémique stérile, mais parce que l'avenir institutionnel de notre pays exige que la vérité soit dite, que les impostures soient dénoncées, et que le courage politique l'emporte enfin sur les calculs partisans et les arrangements de façade.

Vous appelez à une "lecture objective" de votre avant-projet constitutionnel. Soit. Procédons donc à cette lecture objective, sans complaisance ni déférence. Car l'heure n'est plus aux demi-mesures ni aux euphémismes diplomatiques. L'heure est venue de dire clairement ce que représente réellement votre démarche: une imposture démocratique qu'il vous appartient aujourd'hui de dénoncer ou d'assumer pleinement devant la Nation.

I. L'imposture procédurale: Quand l'illégalité devient norme

Commençons par les faits juridiques élémentaires que vous persistez à ignorer. L'article 284.3 de la Constitution de 1987 énonce sans ambiguïté: "Toute consultation populaire tendant à modifier la Constitution par voie de référendum est formellement interdite". Cette interdiction n'est pas une suggestion; c'est un verrou constitutionnel absolu, pensé par les constituants de 1987 pour empêcher précisément ce que vous tentez aujourd'hui.

Votre processus viole frontalement cette disposition. Vous le savez, nous le savons, la Nation le sait. Votre silence sur cette violation fondamentale ne la fait pas disparaître; il ne fait que révéler votre mépris pour la légalité constitutionnelle que vous prétendez défendre.

Monsieur Lauture, où est votre "lecture objective" de cette réalité juridique incontournable? Pourquoi fuyez-vous ce débat essentiel? Serait-ce parce que toute réponse honnête invaliderait immédiatement votre entreprise?

Le Conseil Présidentiel de Transition, entité créée ex nihilo par un accord politique du 3 avril 2024, ne possède aucune légitimité constitutionnelle pour entreprendre une révision de la Loi fondamentale. Seule une Assemblée nationale régulièrement élue détient cette prérogative. Cette vérité dérange-t-elle vos arrangements?

II. L'imposture démocratique: La confiscation du pouvoir constituant

Plus grave encore que la violation procédurale est la confiscation du pouvoir constituant originaire. Nulle part dans votre parcours, vous n'avez consulté le peuple haïtien sur la question fondamentale: "Voulez-vous changer la Constitution de 1987?"

Cette omission n'est pas un oubli technique. Elle révèle la nature profondément antidémocratique de votre démarche. Vous présumez de la volonté populaire au lieu de la consulter. Vous décidez d'abord, puis vous sollicitez l'adhésion ensuite. Cette inversion de l'ordre démocratique constitue le cœur de l'imposture que vous défendez.

Votre consultation d'un mois (22 mai-21 juin 2025) ne porte que sur les détails techniques d'un changement déjà décidé en amont. C'est exactement ce que Gotson Pierre dénonce comme "un processus technocratique imposé d'en haut". Vous réduisez la souveraineté populaire à un exercice de validation de vos choix préalables.

Monsieur Lauture, où est le mandat populaire qui vous autorise à redéfinir le contrat social haïtien? Qui vous a désignés, vous et vos collègues du comité de pilotage, comme les détenteurs légitimes du pouvoir constituant? Sur quelle base démocratique prétendez-vous parler au nom de la Nation?

III. L'imposture du contenu: Le retour du présidentialisme déguisé

Votre défense du contenu révèle une nostalgie troublante pour un exécutif fort, débarrassé des "contraintes" parlementaires. Quand vous déplorez qu'un président "doive négocier avec le Parlement pour former son gouvernement", vous révélez votre conception fondamentalement antiparlementaire de la démocratie.

Cette exigence de négociation n'est pas un dysfonctionnement; c'est un mécanisme démocratique fondamental, instauré par les constituants de 1987 précisément pour prévenir les dérives présidentialistes que notre histoire a trop connues. Vouloir l'abolir, c'est vouloir revenir à un présidentialisme autoritaire que le peuple haïtien a déjà rejeté.

Vos "innovations" ne sont que du réchauffé constitutionnel. La responsabilité présidentielle? Déjà prévue dans la Constitution de 1987. L'indépendance de l'ULCC? Réalisable par simple loi ordinaire. La décentralisation? Principe central de 1987, jamais appliqué par manque de volonté politique.

Le vrai problème, Monsieur Lauture, n'est pas l'absence de normes constitutionnelles. C'est leur violation systématique par des élites qui préfèrent changer les règles plutôt que de s'y conformer.

IV. L'aveu d'exclusion: "L'absence de l'appareil judiciaire"

Votre propre aveu est accablant: vous "déplorez l'absence de l'appareil judiciaire dans l'élaboration de l'avant-projet". Comment peut-on prétendre rédiger une Constitution moderne en excluant l'un des trois pouvoirs de l'État? Cette exclusion révèle le caractère arbitraire et partisan de votre démarche.

Si vous excluez le pouvoir judiciaire, qui d'autre avez-vous exclu? Les syndicats? Lesuniversités? Les organisations paysannes? Les mouvements de femmes? Votre "comité de pilotage" ressemble dangereusement à un club fermé d'anciens politiciens en quête de légitimité.

Votre tentative de minimiser cette exclusion en affirmant qu'il "n'est pas trop tard" ne fait qu'aggraver votre cas. Comment peut-on "rester ouvert aux discussions" après avoir défini unilatéralement les paramètres du débat?

V. L'imposture historique: ignorer les leçons du passé

Votre processus reproduit exactement les travers des tentatives précédentes. L'amendement de 2011 de Preval et Martelly, adopté "sans ancrage populaire, dans un climat de méfiance et d'opacité". La tentative de Jovenel Moïse en 2020-2021, rejetée massivement par la société civile,l'Université, les Églises.

Ces échecs vous enseignent-ils quelque chose? Ou persistez-vous à croire que vous réussirez là où vos prédécesseurs ont échoué, en reproduisant exactement les mêmes méthodes?

L'histoire constitutionnelle haïtienne depuis 1987 enseigne une leçon claire: toute réforme imposée verticalement, sans participation populaire effective, est vouée à l'échec. Votre obstination à ignorer cette leçon relève soit de l'aveuglement, soit de l'arrogance politique.

VI. L'appel au courage: Défendre l'imposture ou servir la Patrie?

Madame et Messieurs du CPT, l'heure du choix a sonné. Vous pouvez continuer à défendre cette imposture constitutionnelle, à cautionner cette confiscation du pouvoir constituant, à valider cette violation de la légalité. Dans ce cas, assumez pleinement devant la Nation la responsabilité de vos actes. Dites clairement aux Haïtiens que vous préférez vos arrangements politiques à leur souveraineté.

Ou alors, prenez votre courage de patriotes en main. Reconnaissez l'illégalité de ce processus. Suspendez cette mascarade constitutionnelle. Appelez à un véritable débat national sur l'opportunité de changer la Constitution de 1987. Respectez enfin la souveraineté populaire que vous prétendez servir.

Monsieur Lauture, vous qui appelez à l'objectivité, voici l'objectivité pure: votre processus est illégal, illégitime et antidémocratique. Cette vérité vous dérange-t-elle au point de préférer l'imposture à l'honnêteté intellectuelle?

VII. La voie de la légitimité démocratique

Si vous souhaitez réellement servir la Nation plutôt que vos intérêts politiques, voici la démarche que commande l'honnêteté démocratique:

Premièrement, suspendre immédiatement ce processus illégal, illégitime et reconnaître publiquement sa violation de l'article 284.3.

Deuxièmement, sécuriser le territoire et organiser des élections générales législatives pour disposer d'une Assemblée nationale légitime, seule habilitée à entreprendre une révision constitutionnelle.

Troisièmement, avant toute réforme, consulter le peuple haïtien par référendum sur la question: "Voulez-vous modifier la Constitution de 1987?"

Quatrièmement, si le peuple répond favorablement, organiser un processus constituant réellement participatif, incluant toutes les composantes de la société haïtienne.

Cette voie est plus longue, plus difficile, mais c'est la seule qui respecte la souveraineté populaire et la légalité constitutionnelle. Avez-vous le courage de l'emprunter?

Le Test du Patriotisme

Madame et Messieurs du CPT, vous êtes face à un test de patriotisme. Soit vous persistez dans cette imposture et l'Histoire retiendra vos noms comme ceux d'hommes et de femme qui ont préféré leurs arrangements politiques à la légalité démocratique. Soit vous trouvez le courage de dire la vérité à la Nation et de respecter enfin sa souveraineté.

Monsieur Lauture, votre "lecture objective" révèle surtout votre subjectivité partisane.L'objectivité commande de reconnaître l'imposture. Le patriotisme commande de la dénoncer. En aurez-vous le courage?

La Nation attend. Elle observes. Elle jugera. L'Histoire n'oublie jamais ceux qui, à l'heure du choix, ont préféré la vérité à l'imposture, la légalité aux arrangements, la souveraineté populaire aux calculs d'élites. Le choix vous appartient. La responsabilité aussi.


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