top of page

Carrefour, théâtre d’une mobilisation criminelle : l’échec du CPT mis à nu

  • Photo du rédacteur: Renouvo Demokratik
    Renouvo Demokratik
  • 22 juin
  • 3 min de lecture

Notre Éditorial

Par : Alain Zephyr, Sociologue .

- PC:  Novavox -
- PC: Novavox -

Entre soumission intériorisée, résignation collective et réflexes de survie, les dynamiques ayant conduit à la mobilisation autour du chef de gang Chrisla, le vendredi 20 Juin à Carrefour, demeurent obscurs et complexes. Ce surgissement, à la fois déroutant et révélateur, appelle une relecture rigoureuse des outils critiques élaborés par Paulo Freire dans Pédagogie des opprimés. Il met en lumière les formes contemporaines d’aliénation qui traversent les quartiers populaires haïtiens : sentiment d’abandon, effondrement des repères institutionnels, et instrumentalisation de la misère par des acteurs armés se substituant à l’État.

Dans ce contexte, toute issue durable à l’impasse haïtienne suppose une pédagogie politique enracinée dans l’expérience vécue — une éducation populaire capable de relier les affects aux structures, les blessures individuelles aux logiques systémiques, et les résistances diffuses à une vision collective de transformation.

Carrefour: le miroir saisissant de l’abdication du pouvoir transitoire

Cependant, la démonstration de force des gangs à Carrefour constitue un symptôme éclatant de l’échec du Conseil Présidentiel de Transition. Jamais auparavant n’avait-on vu des groupes armés défiler avec une telle impunité, comme ce fut le cas vendredi dernier à Carrefour. Jamais auparavant les rues n’avaient été livrées à la violence organisée avec une telle ostentation, comme ce fut le cas ce même jour. Jamais auparavant n’avait-on vu un gouvernement abandonner ainsi ses citoyens à la merci de groupes criminels.

Non seulement le Conseil Présidentiel de Transition se révèle incapable de doter le pays de dispositifs sécuritaires à même de rétablir la paix, mais sa collusion avec les gangs armés apparaît aussi manifeste que paralysante. Le peuple haïtien n’est pas dupe : face aux mobilisations citoyennes du Canapé-Vert et du Cap-Haïtien, le gouvernement a opté pour une répression brutale, tandis qu’à Carrefour — théâtre d’un défilé armé orchestré par un chef de gang — il a brillé par son absence. C’est que le CPT, véritable bras politique des réseaux armés, est congénitalement un pouvoir issu des gangs et entièrement tourné vers leur consolidation.

En d’autres termes, le Conseil Présidentiel de Transition incarne la formalisation d’un compromis mortifère entre la peur de l’effacement politique et l’ambition des gangs de s’ériger en interlocuteurs légitimes. Cette configuration inédite — où le pouvoir politique se mue en prolongement institutionnel de la violence illégale — a pour effet de banaliser l’impunité, de désactiver toute velléité de réforme, et de verrouiller l’espace public. Les gangs ne sont plus seulement des forces de nuisance : ils deviennent des partenaires tacites du pouvoir, des courroies de transmission territoriales, voire des instruments de contrôle social.

En somme , l’inaction du Conseil Présidentiel de Transition — et ses rares initiatives, à l’instar de l'avant-projet de Constitution — témoignent moins d’une volonté de transition démocratique que d’un enracinement plus profond de la prédation politique, sous les atours de la légalité. Le peuple haïtien, quant à lui, en paie le prix fort : déplacé, endeuillé, bâillonné — sommé de choisir entre la terreur armée et le silence institutionnel.

L’État en retrait, les gangs en avant : anatomie d’une souveraineté confisquée

Cette démonstration de force, menée en toute impunité, illustre un basculement inquiétant : les gangs ne se contentent plus d’imposer la violence, ils cherchent désormais à occuper l’espace politique, à se poser en interlocuteurs légitimes face à un État affaibli.

Les défenseurs du statu quo — à l’image de leurs parrains étrangers — s’activent à promouvoir un dialogue avec les gangs armés, sous le fallacieux prétexte que leur puissance imposerait la négociation. Or, ce qui fait la force des gangs, ce n’est pas une quelconque légitimité, mais bien l’incapacité — ou le refus délibéré — des autorités à leur opposer la moindre résistance. Leur pouvoir ne réside pas dans leur force intrinsèque, mais dans le vide politique qui les entoure. Car en vérité, la classe politique haïtienne et ses tuteurs internationaux ne sont pas extérieurs au problème : ils en sont les architectes silencieux, les complices structurels, et les bénéficiaires indirects.

Le peuple haïtien a droit à un avenir fondé sur la justice et la sécurité. Il appartient aux forces progressistes et patriotiques de saisir pleinement la gravité du moment et de faire échec aux manœuvres dilatoires des “tourneurs en rond” au pouvoir —avatars politiques des gangs armés— qui cherchent à entraver la transition et à saboter l’émergence d’un véritable renouveau démocratique en Haïti.


Audio cover
Novavox

Top Stories

Receive our analysis and perspectives directly in your inbox. Sign up for our weekly newsletter.

  • Instagram
  • Facebook
  • Twitter

© NONAVOX . Powered and secured by Wix

bottom of page