Port-au-Prince en Sursis
Par : Michel Legros,
Sitwayen pou Respè Konstitisyon.

Lorsque Martissant est tombé, nous avons ressenti une profonde indignation. Puis ce fut la Plaine du Cul-de-Sac : Croix-des-Bouquets, Bon Repos et leurs environs. Ensuite vinrent l'invasion de Carrefour-Feuilles et le massacre de Source-Matelas, contraignant des familles entières à fuir leurs maisons. Les récits de ces drames successifs nous désolaient et nous révoltaient, mais sans vraiment nous inquiéter. Tout cela semblait loin de nous, loin du cœur de Port-au-Prince, de Nazon et de Solino, que nous pensions inexpugnables. Nous vivions dans l’illusion que ces bastions protégeraient la ville comme des remparts infranchissables.
Hier c’était eux, aujourd’hui c’est nous, et demain ce sera vous
L’inévitable approche. Les quartiers autrefois épargnés tombent désormais l'un après l'autre. Les bandits, ayant consolidé leur contrôle sur le Sud, l’Ouest et le Nord de Port-au-Prince, avancent désormais vers l’Est. Ils sont déjà à Delmas 30. Dans la nuit d’hier, ils ont lancé une offensive massive depuis la rue Senghor sur Christ-Roi, qui a résisté avec courage. Mais souvenons-nous que Solino, lui aussi, avait résisté.
Aujourd'hui, Port-au-Prince se résume à un réduit : Lalue aux Sœurs de Sainte Rose de Lima, Bois Verna jusqu'à Ti-Four et Turgeau. Pacot, jadis paisible, est devenu une zone dangereuse. Déjà, les hommes de Viv Ansanm ont traversé Nazon en direction de Pétion-Ville, menacée sur deux fronts : Frères et Delmas. Ils appliquent méthodiquement cette tactique bien connue : « Lorsque l’ennemi avance, nous reculons. Lorsqu’il s’arrête, nous le harcelons. Lorsqu’il recule, nous le poursuivons. » Pour preuve, l'attitude de Barbecue face aux opérations policières du Bas- Delmas. Tout indique qu’une offensive finale est en préparation.
Si rien n’est fait, toute la zone métropolitaine — superstitieux, nous ne citons pas les noms des quartiers et communes qui résistent encore — tombera dans quelques semaines. Elle ne pourra pas tenir indéfiniment sans eau ni approvisionnements : ports et aéroport sont déjà sous le contrôle des gangs. En plus, ces criminels, après plus de trois ans d’affrontements, sont devenus des soldats expérimentés. Cessons de nous bercer d’illusions.
Un contexte de trahison et de cynisme international
Cette situation met en lumière notre vulnérabilité, mais aussi l’attitude ambiguë de la communauté internationale. Récemment, l’ambassadeur américain a déclaré savoir « parler aux gangs », une phrase lourde de sens. Cette affirmation, combinée à l’inaction prolongée traduit une forme de complaisance envers ces criminels.
Ces propos, loin d’être anodins, révèlent une connivence qu’on ne peut plus ignorer. En refusant de lever l’embargo sur les armes pour les forces légitimes, on les handicape, tout en favorisant les criminels qui s’approvisionnent sans entrave. Ce cynisme perpétue un chaos planifié et aggrave notre agonie
Ne plus fermer les yeux face au danger
Nous, citoyennes et citoyens, devons cesser de faire l’autruche, à savoir fermer les yeux en pensant que refuser de voir le danger implique qu’il n’existe pas. Il est de notre devoir d’exiger de ce gouvernement :
1. Le renforcement des forces de l’ordre en effectifs et en armements.
2. La dénonciation publique et ferme de l’embargo sur les armes qui pénalise nos institutions légitimes.
L’heure n’est plus à l’indécision ni à l’attentisme. Ce qui, hier, paraissait lointain est aujourd’hui à nos portes. Le pays a besoin d’un leadership clair et résolu. Un chef capable de mobiliser toutes les ressources nécessaires pour nous défendre et nous protéger. Demain, il sera trop tard.
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