Les laissés-pour-compte de la célébration nationale du 18 mai
- Renouvo Demokratik
- 21 mai
- 4 min de lecture
Notre Editorial ,
Par : Alain Zephyr, Sociologue.

Le 18 mai 2023, Haïti a célébré le 222e anniversaire de son drapeau, symbole de résistance et d’unité nationale. Pourtant, cette commémoration, censée raviver la fierté collective, a davantage mis en lumière les profondes fractures qui déchirent le pays.
Les festivités ont révélé un contraste saisissant : d’un côté, l’exaltation officielle de l’héritage révolutionnaire du drapeau ; de l’autre, une population confrontée aux affres de l’insécurité et de l’exclusion. Cette dissonance criante a exposé, avec une intensité troublante, la multitude de laissés-pour-compte relégués en marge de cette célébration nationale.
Arcahaie : Un lieu symbolique abandonné
Arcahaie, berceau historique du bicolore haïtien, demeure depuis près de trois siècles le cœur des célébrations du drapeau. Pourtant, depuis deux ans, cette ville emblématique est livrée à l’emprise des gangs. Confrontées à cette insécurité persistante, les autorités ont choisi de déplacer l’événement au Cap-Haïtien, éloignant ainsi la fête de son écrin historique .
Après le Palais National, le Champ de Mars et le Pont Rouge, c’est désormais Arcahaie qui se voit désertée. L’abandon de ces lieux de mémoire par l’État traduit une tendance alarmante : celle d’un pouvoir qui, en négligeant la préservation de ces espaces chargés d’histoire, semble aussi se soustraire à sa responsabilité primordiale—assurer la sécurité et rétablir la paix. Dès lors, une question essentielle s’impose : comment un peuple peut-il célébrer son histoire et exalter ses symboles si ceux-ci sont livrés à l’oubli et à l’instabilité ?
Les enseignants : Voix silencieuses dans la tourmente
La célébration du drapeau au Cap-Haïtien a été marquée par une contestation sociale d’ampleur. Les enseignants, profitant de l’événement, ont exprimé leurs revendications face à des conditions de travail alarmantes et à l’effondrement du système éducatif. Ce mouvement de protestation, loin de se limiter à une simple démonstration, a mis en lumière une crise profonde qui touche l’éducation haïtienne. Cependant, au lieu d’ouvrir un dialogue et d’entendre ces préoccupations légitimes, les autorités ont choisi la voie de la répression.
Les services de sécurité ont orchestré une réponse brutale, exacerbant les tensions et illustrant une dérive autoritaire inquiétante. Tandis que le pouvoir s’en prend aux enseignants qui réclament des conditions dignes, il demeure impuissant face aux gangs armés qui imposent leur loi sur le territoire.
Cette situation soulève une question cruciale : comment un État peut-il prétendre célébrer son drapeau et ses valeurs de liberté, alors qu’il réprime ceux qui œuvrent à l’avenir du pays tout en laissant prospérer l’insécurité ?
Un leadership éclairé, alliant responsabilité et adaptation aux défis du pays.
Dans un contexte économique difficile, le budget de 400 millions de gourdes dépensé pour célébrer cet événement a suscité de vives critiques. À titre de comparaison, cela équivaut à ce que plusieurs dizaines de milliers de familles haïtiennes dépensent en un an pour la nourriture de base.
Les dépenses engagées pour ces festivités ont mis en évidence un contraste frappant entre les priorités de l’État et les réalités quotidiennes des citoyens. En effet, dans un contexte où l’accès à l’eau potable et aux soins de santé reste une préoccupation cruciale, cette cérémonie a été largement perçue comme une distraction, détournant l’attention des véritables urgences sociales. Pour une population confrontée à des défis existentiels, cet événement relégue au second plan les priorités essentielles, accentuant le sentiment d’abandon ressenti par les plus vulnérables.
Les Déplacés : Des vies ignorées
Parmi les grands oubliés de cette commémoration figurent les déplacés internes, victimes de la violence des gangs. Arrachés à leurs foyers et contraints à l’errance, ces Haïtiens continuent de porter leur pays dans leur cœur, malgré les épreuves qui les accablent. Leur espoir d’un changement tangible demeure intact, mais il se heurte à une gouvernance qui peine à répondre à leurs besoins fondamentaux.
L’inaction face à leur détresse criante révèle un pouvoir déconnecté des urgences du peuple, incapable de répondre aux attentes les plus pressantes. Leur situation interpelle et exige une réponse urgente, fondée sur une gouvernance responsable et une volonté politique réelle de restaurer la justice sociale.
Promouvoir une Inclusivité nécessaire pour un avenir partagé
La commémoration du 222e anniversaire du bicolore haïtien résume l'état actuel d'Haïti, où les tensions sociales et les inégalités sont exacerbées. Tandis que certains célèbrent, d'autres luttent pour des conditions de vie minimales. Le bicolore, symbole d'unité, est terni par des réalités divisées. Une célébration ne devrait pas juste être festive, mais aussi un moment de réflexion sur les défis à relever pour bâtir un pays équitable et juste.
Ce n'est qu'en reconnaissant les fractures que nous pourrons avancer vers un avenir où le bicolore représente non seulement un symbole, mais une véritable promesse d'espoir et de dignité pour chaque Haïtien.
L' incapacité du CPT à mener à bien cette mission s’est révélée une évidence, et l’échec de la célébration du 18 mai en est une illustration supplémentaire. Face à cette impasse, il revient aux progressistes, aux patriotes et aux victimes de s’unir pour construire un avenir plus juste et inclusif pour tous.
L’histoire montre que les grandes transformations naissent souvent de la volonté collective de ceux qui refusent la résignation. C’est dans cette union des forces vives que réside l’espoir d’un Renouveau Démocratique , porté par une vision audacieuse et une détermination inébranlable.
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