Les enjeux d'une éventuelle démission du CPT.
Par: Yvito Mackandal, membre du Réseau d'Organisation Zone l'Ouest (ROZO)

Malgré tous les reproches qu'on peut adresser à l'endroit du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), notamment pour son absence de résultats, il n'est nullement question de souhaiter sa dissolution. Sachez que le secteur politique le plus hostile au Conseil est le Parti Haitien Tèt Kalé (PHTK) qui joue à fond la carte de la déstabilisation et de la terreur pour se repositionner sur l'échiquier politique. Depuis la révocation du Premier-Ministre Garry Conille et la fin de l'exercice de la présidence tournante du CPT par Edgar Leblanc, deux personnages acquis à la cause phtkiste, les malfrats de ce parti semblent avoir perdu leur pouvoir d'influence et de manipulation sur le CPT.
Depuis lors, ils font tout pour provoquer son éclatement en faisant régner la terreur dans le pays via leur bras armé, en l'occurrence le syndicat des gangs terroristes dénommé Viv ansanm/Vivre ensemble. Personne ne va s'aligner sur la position des bandits légaux du PHTK qui font un usage systématique de la violence pour influencer la dynamique politique. Désormais, ils jouent le tout pour le tout et opèrent à découvert, assumant ouvertement leur affiliation avec le syndicat des gangs armés. Cela mentionné dans un document soumis au CARICOM en guise de proposition pour une solution à la crise politique., document dans lequel le PHTK et ses alliés se permettent de mentionner nommément le groupe terroriste Vivre Ensemble dans la liste des partis politiques favorables à la dissolution du CPT et à la nomination d'un Juge à la Cour de Cassation comme Président provisoire de la République.
Cette entreprise de légitimation du vivre ensemble revendiqué à grand renfort médiatique par Liné Balthazar, Secrétaire Général des bandits légaux ci-devant PHTK, participe de la stratégie de terreur employée de toujours par ce parti pour s'imposer dans l'arène politique. Il est vrai que le CPT nous a déçu dans nos attentes, cependant ce serait infliger un affront, un sacrilège au peuple que d'accepter de conférer le statut de parti politique à une organisation terroriste qui a causé tant de torts au peuple haitien. Depuis plusieurs années, ces malfrats qui opèrent à la solde du PHTK , kidnappent des citoyens paisibles, incendient leur maison et les contraignent à la fuite. Le nombre de déplacés internes a déjà le chiffre record d'un million de personnes et dix mille morts.
Il est de notoriété publique que les gangs ont été créés pour permettre au régime PHTK de se maintenir au pouvoir pendant cinquante ans. La démission de Ariel Henry, celle de Garry Conille, et la mise à l'écart d' Edgar Leblanc Fils au sein du CPT constituent autant de grains de sables dans les rouages de la machine infernale mise en place par le PHTK pour se perpétuer au pouvoir. Accepter les gangs comme parti politique risque de nous faire revivre les horreurs des élections du 29 novembre 1987 qui avaient fini dans le sang du peuple hatien. A part ce scénario, le PHTK n'a aucune chance de gagner les prochaines élections. A la vérité les phtkistes ne sont pas les seuls à jouer la carte de la terreur et la criminalité pour accéder au pouvoir. Beaucoup d'autres politiciens dont Moïse Jean Charles et Guy Philippe ont également instrumentalisé les gangs armés pour la prise du pouvoir.
Il n'est pas question sous aucun prétexte de prétendre négocier ni se réconcilier avec les gangs. Ils doivent répondre de leurs forfaits perpétrés sur la population devant la justice ils doivent être jugés et condamnés. Après le retour de Jean Bertand Aristide, le 15 octobre 1994, on se le rappelle les USA ont eu la même rhétorique, à savoir la réconciliation avec les criminels qui étaient regroupés dans l'organisation dénommée Front Révolutionnaire Pour l 'Avancement d'Haïti (FRAPH). La création de cette organisation avait pour objectif de consolider le coup d'Etat du 30 septembre 1991 au moyen de la terreur et de la répression. Soulignons au passage que Michel Martelly et Jovenel Moise, anciens membres du FRAPH vont accéder respectivement 2011 et 2016 à la magistrature suprême de l'Etat, suite à des élections truquées supportées par le Département d'Etat américain. Il faut donc se garder de minimiser le rôle des gangs armés dans la vie politique haïtienne.
Les enjeux sont de taille, ils ne sont pas seulement de nature politique criminelle. Le repositionnement du PHTK sur l 'échiquier politique ayant comme alliés les gangs pourra éventuellement le conduire à la prise du pouvoir. Ce qui renforcera la fuite des planteurs de l’Artibonite pour profiter à l'invasion des riz américains sur le marché local. Ce qui se traduit par le renforcement de la dépendance alimentaire du pays vers les Etats-Unis d'Amérique. A cause des gangs qui se positionnent du côté de Gressier , de Mariani, de Merger, les planteurs dans le grand sud seront de plus en plus incapables de transporter leurs produits agricoles vers Port-au-Prince. D'où le gaspillage des ressources et le renforcement de la pauvreté monétaire des planteurs. Un vrai procès relatif au détournement des fonds Petrocaribe n'est pas du tout certain avec le retour du PHTK au pouvoir. Le peuple haïtien continue à payer une dette injuste, ce qui a rendu le pays plus pauvre.
Voilà en quoi consistent les enjeux d'une éventuelle démission du CPT. Tant bien que mal il opère des changements au niveau de la police qui aboutit à l'arrestation de deux puissants chefs de gangs, en l'occurrence Magalie Habitant et Victor Prophète. Il faut encourager le CPT à faire plus que ça. Cependant cela ne peut être possible que si les classes populaires s'organisent en autodéfense. Nous devons nous organiser sur la base de nos intérêts de classe. Pour ce faire, il faudra identifier nos ennemis de classe ainsi que tous les pays qui sont nos ennemis historiques. La situation que nous vivons aujourd'hui n'est pas différente d'avant celle de 1804, mais elle suscitera toujours des Dessalines, des François Capois, des Toussaint Louverture pour ne citer que ceux-là. Il arrivera un jour où nous nous révolterons tous et personne ne pourra nous arrêter.
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