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Haïti, la souveraineté confisquée : le cri d'alarme du Dr Renaud.

Photo du rédacteur: Renouvo DemokratikRenouvo Demokratik

Par: Yves Pierre, Politologue .

Introduction

Haïti, première république noire libre et indépendante, se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins. Alors que le pays traverse l'une des pires crises de son histoire, sa souveraineté semble lui échapper chaque jour davantage, confisquée par des puissances étrangères aux intérêts divergents. Face à cette situation alarmante, le Dr Josué Renaud, président de la New England Human Rights Organization (NEHRO), tire la sonnette d'alarme et appelle à un sursaut national.

Une proposition trouble relayée par le CPT

Lors de sa visite à Port-au-Prince le 5 septembre 2024, le secrétaire d'État américain Antony Blinken a confirmé l'intérêt des États-Unis à transformer la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSM), déployée en Haïti depuis octobre 2023, en une véritable mission de maintien de la paix des Nations unies. Une proposition qui intervient alors même que les policiers kenyans déjà déployés sur le territoire peinent à recevoir le traitement promis et que les opérations contre les gangs se font attendre, faute de moyens adéquats.

Mais cette initiative pour le moins trouble trouve surtout un écho complaisant au sein du Conseil Présidentiel de Transition (CPT). Lors de son passage à la tribune des Nations unies en septembre dernier, l'ex-coordonnateur du CPT, le conseiller Égard Leblanc Fils, s'était empressé de relayer la demande de Blinken, traduisant ainsi la soumission de cette instance supposée incarner la souveraineté haïtienne aux diktats de Washington.

Une posture qui n'est guère surprenante de la part de ces élites politiques traditionnelles, dont les liaisons dangereuses avec les puissances étrangères sont un secret de polichinelle. Le nouveau coordonnateur du CPT, Lesly Voltaire, représentant de Fanmi Lavalas, semble ainsi perpétuer cette tradition d'inféodation aux intérêts extérieurs, au mépris des aspirations profondes du peuple haïtien.

Dans une lettre datée du 21 octobre 2024, il a en effet réitéré avec empressement la nécessité de transformer la MMSM en une mission de maintien de la paix de l'ONU, reprenant ainsi le flambeau de son prédécesseur dans la promotion d'une énième intervention étrangère. Une démarche qui témoigne d'une conception pour le moins élastique de la souveraineté nationale, celle-ci semblant pouvoir être allègrement sacrifiée sur l'autel des intérêts particuliers et des injonctions de Washington.

Il est temps que ces prétendues "élites", plus promptes à réclamer l'aide de l'étranger qu'à se retrousser les manches pour bâtir un projet national digne de ce nom, rendent des comptes au peuple haïtien. Comme le dénonçait déjà avec force le regretté Manno Charlemagne dans ses chansons engagées, ces politiciens de pacotille ont fait d'Haïti leur fief, bradant sans vergogne son indépendance au plus offrant.

Face à cette trahison des idéaux de Vertières, il appartient aujourd'hui à la jeunesse haïtienne de redresser la barre et de reprendre le flambeau de la lutte pour la souveraineté. En tournant résolument le dos à ces dirigeants fantoches et en plaçant l'intérêt supérieur de la nation au-dessus des querelles partisanes, elle peut encore écrire une nouvelle page de l'histoire d'Haïti, à l'image de ces jeunes révolutionnaires intrépides qui, en 1803, ont mis en déroute la plus puissante armée de l'époque pour arracher leur liberté.

Les leçons de l'histoire

Car l'histoire récente a amplement démontré l'inefficacité, voire la nocivité, des ingérences étrangères en Haïti. Loin de remplir leur mission, les casques bleus ont surtout laissé derrière eux un lourd bilan. Introduite par les soldats de l'ONU en 2010, l'épidémie de choléra a fait plus de 10 000 morts et infecté plus de 800 000 personnes, soit environ 7% de la population haïtienne, selon les données officielles. Entre 2004 et 2016, plus de 150 allégations d'abus et d'exploitation sexuels impliquant des casques bleus ont été recensées, dont un tiers concernaient des mineurs, d'après un rapport interne des Nations unies.

En se posant en "gendarmes" d'Haïti, l'ONU a entravé le nécessaire processus d'appropriation des défis par le peuple haïtien lui-même. Elle a involontairement conforté les dynamiques d'assistanat et de dépendance qui minent le pays depuis des décennies, tout en servant de paravent à des réseaux mafieux tirant profit du chaos.

Pourtant, l'ONU persiste à voir dans une nouvelle mission la solution aux maux d'Haïti. Dans un récent communiqué, l'organisation affirme que "la transformation de la MMSM en une opération de paix des Nations Unies fournirait à la communauté internationale les outils nécessaires pour accompagner durablement les institutions haïtiennes sur la voie de la stabilisation". Elle appelle à "un partenariat renouvelé avec Haïti, ancré dans une compréhension partagée des priorités nationales et des moyens d'y répondre". Un discours qui sonne creux au regard des échecs passés et de la méfiance grandissante des Haïtiens envers la communauté internationale.

Les récents débats au Conseil de sécurité de l'ONU illustrent parfaitement cette incohérence. Alors que la plupart des diplomates ont exprimé leur soutien à la conversion de la MMSM en une mission de maintien de la paix, la Russie et la Chine se sont opposées à cette proposition, arguant que la situation en Haïti ne justifiait pas un tel déploiement et remettant en cause la légitimité du gouvernement haïtien. Une position qui révèle surtout leur volonté de contrer l'influence américaine dans la région, quitte à laisser Haïti sombrer dans le chaos.

Car pendant que les grandes puissances se livrent à ces jeux d'influence, c'est tout un peuple qui souffre. Comme l'a rappelé avec émotion le Dr Jean 'Bill' Pape, éminent spécialiste haïtien des maladies infectieuses dont le fils a été kidnappé l'an dernier, l'insécurité grandissante pousse de plus en plus de professionnels à fuir le pays, laissant des pans entiers de la société à l'abandon. "Il est difficile pour un Haïtien de réclamer la présence de troupes étrangères sur notre sol", a-t-il confié devant le Conseil. "Mais si rien n'est fait, l'alternative sera un génocide de masse qui a déjà commencé, une tragédie que vous seuls avez le pouvoir d'empêcher."

L'appel à la résistance du Dr Renaud

C'est précisément ce discours que récuse avec force le Dr Josué Renaud. Pour ce défenseur des droits humains, il est temps de sortir de la rhétorique creuse des "partenariats renouvelés" pour renouer avec l'esprit de résistance qui a fait la grandeur d'Haïti. Dans une interview exclusive, le président de la NEHRO exhorte les dirigeants haïtiens à secouer le joug de la tutelle internationale et à reprendre enfin le contrôle du destin national. Il les invite à refuser toute solution clé en main imposée de l'extérieur et à engager un vrai dialogue sur les enjeux du pays, en plaçant les aspirations profondes du peuple au cœur des priorités.

Aux partenaires internationaux, le Dr Renaud lance un appel à la lucidité et à l'humilité. Plutôt que d'imposer des recettes toutes faites, il les encourage à miser sur le renforcement des capacités locales et l'accompagnement des dynamiques endogènes de changement. Car ce n'est pas d'une énième mission dont Haïti a besoin, mais d'alliés sincères, prêts à cheminer à ses côtés sur la voie de l'émancipation.

Enfin, au peuple haïtien, ce militant infatigable adresse un vibrant message d'espoir et de mobilisation. Convoquant la mémoire de Vertières et de Dessalines, il l'invite à puiser dans son glorieux passé révolutionnaire la force de se tenir debout et de reconquérir sa pleine souveraineté. Car si la liberté ne se donne pas, elle se gagne, par l'union sacrée de tout un peuple déterminé à défendre sa dignité.

Conclusion

Face à cette situation dramatique, il est plus que jamais vital que la communauté internationale entende le cri d'alarme du Dr Renaud et de tous ces Haïtiens qui refusent de voir leur pays sombrer dans l'abîme. Car au-delà des querelles géopolitiques, c'est l'avenir de toute une nation qui se joue. Un avenir qui ne pourra s'écrire qu'avec le peuple haïtien comme acteur de son propre destin, et non comme spectateur impuissant de décisions prises à des milliers de kilomètres de ses côtes. La balle est désormais dans le camp des puissances étrangères : sauront-elles enfin se montrer à la hauteur de leurs responsabilités en accompagnant Haïti sur le chemin de l'émancipation ? Ou persisteront-elles dans une logique d'ingérence et de mise sous tutelle qui a déjà fait tant de dégâts ? L'histoire, et le peuple haïtien, les jugeront.

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