Analyse du pouvoir de l'État face aux gangs : une perspective sur les appareils de contrôle.
Par : Yvito Mackandal,
Membre du Réseau d’Organisation Zone l’Ouest (ROZO).

L’année 2024 s’en va pour faire place à 2025. Beaucoup de personnes s’interrogent sur la prochaine, celle-ci mettra-t-elle fin aux calamités du peuple haïtien ? A bien comprendre certaines personnes averties, la situation deviendra pire. Tout le monde attend pour voir de quoi demain sera fait. Le Conseil Présidentiel de Transition, neuf mois après son intronisation, n'a rien fait pour améliorer le sort de la population. Il se contente de jouir des privilèges, de vivre une vie douce aux frais la République, tout en fermant les yeux sur la précarité des classes populaires .
Entre temps, les gangs continuent à occuper de nouveaux territoires, massacrer les classes populaires, et la police malgré les efforts qu’elle a consentis est dépassée par les évènements. Les tribunaux sont fermés dans plusieurs départements sous la pression des gangs et dans certaines communes, ce sont eux qui jugent et condamnent. Les prisons sont vandalisées et les prisonniers s’enfuient pour renforcer la terreur des gangs. Les juges corrompus sont impliqués dans cette situation, car la majorité des chefs de gangs ont été écroués mais ont été libérés par des décisions de justice en échange de fortes sommes d'argent.
L’ambassade américaine déclare haut et fort promettre un million de dollars US à celui qui arrive à capturer le porte-parole des gangs, Jimmy Cherisier. Pourtant ce même ambassadeur a déclaré être en réunion avec ce porte-parole. Les armes détenues par ces gangs qui proviennent presque toutes des USA sont largement plus puissantes que celles de la police. Curieusement, le Département d’État américain impose un embargo sur l’achat d’armes à l’État haïtien. Tenant compte de ce constat, il est tout à fait légitime de penser que le peuple haïtien est victime d’un complot international en complicité avec les classes dirigeantes locales, qui s’érigent depuis longtemps en traitres contre la nation.
Ce sont ces types de pays que nous considérons comme nos amis. Depuis longtemps ils ne cessent de faire obstacle aux élections libres et démocratiques pour imposer au peuple haïtien des dirigeants marionnettes corrompues, des dealers de drogue qui n’ont aucun sens de l’histoire. Il résulte de tout cela une classe dirigeante qui s’est soulevée contre la nation et le peuple haïtien dans une seule optique, celle de satisfaire les caprices de nos ennemis historiques. Dans le cas contraire, on risque de se faire déstabiliser par des coups d’État criminels qui finissent toujours dans le sang du peuple haïtien. Ces dirigeants sont utilisés comme instruments pour détruire l’État.
Les appareils de pouvoir tels que la police, l’armée, les tribunaux qui ont permis à l’État d’exercer son autorité ne sont plus tenus et aujourd’hui nous avons un État en agonie et c 'est voulu par les classes dirigeantes. Cette agonie est le résultat d’un long processus initié par les classes dirigeantes depuis longtemps jusqu’à ce qu’on arrive à la création des gangs. Ils n’ont que les classes populaires comme cible à abattre, pas les classes dirigeantes, encore moins la minorité riche. Il est de notoriété publique que les gangs ont toujours entretenu de bonnes relations avec les chefs de gouvernement, les ministres, les directeurs généraux et certaines ambassades, pour ne citer que ceux-là... Pourtant, quotidiennement les gangs tuent, pillent kidnappent et violent. Pourquoi est-ce que les gangs orientent leurs armes sur les classes populaires et non pas sur les riches et les classes dirigeantes ?
Les gangs à un moment de leur existence se sont battus entre eux, mais sur la demande de Madame Helene Lalime ils se sont coalisés sous la dénomination de G9 en famille et alliés. Le syndicat de gangs s'est renforcé et opère aujourd'hui sous l'appellation de Vivre Ensemble. Ils deviennent plus puissants et, conséquent, parviennent à mieux remplir leur fonction... celle de contrôler les classes populaires. Le pouvoir de répression exercé par les gangs répond à une configuration juridictionnelle dans les milieux populaires. C’est ainsi que le régime des Duvalier avait procédé pour régner pendant trente ans. Il avait placé dans les différents milieux populaires un chef de sa milice politique (Volontaire de la Sécurité Nationale, VSN) dans le but de faire obstacle à toute tentative de soulèvement populaire.
Depuis la nuit des temps les classes populaires ont toujours représenté une menace pour les pouvoirs économique et politique. Duvalier l’a bien compris et c’est pourquoi aucun de ces puissants chefs de sa milice politique n’étaient autorisés construire leur maison ni résider dans les milieux bourgeois. A quelques exceptions près la menace ne vient pas de cette minorité riche. Sous les ordres de Duvalier, la résidence de ses sbires doit se trouver dans les quartiers populaires dans le but de contrôler les démunis et réprimer toute tentative de soulèvement de leur part. Ce n’est pas trop différent avec les gangs qui font la loi et règnent en maitres dans ces quartiers avec la bénédiction des classes dirigeantes
De fait, ces chefs de gangs ont plusieurs fonctions à assurer. Actuellement ce sont eux qui jugent, condamnent et construisent leur propre prison. On sait aussi qu’ils ont leur propre service d’intelligence qui fonctionne assez bien leur permettant d’infiltrer les organisations de base afin de faire échec à toutes velléités de soulèvement populaire.
En dépit de tout le Conseil Présidentiel Transition demeure insouciant, s'intéressant qu 'à leurs salaires mensuels juteux et à leurs multiples privilèges. Ainsi les gangs ont les champs libres pour opérer sans aucune crainte. Les fonds publics destinés au Service d’Intelligence sont détournés, partagés et empochés par les neuf membres du Conseil Présidentiel. Le constat est triste et poignant, la solution n’est pas pour demain. Malgré tout on reste quand même optimiste. L’ennemi peut tout contrôler sauf la mobilisation des classes populaires, la seule et l’unique réponse à la terreur des gangs.
Rappelez-vous toujours que le sang qui coule dans nos veines est celui de nos ancêtres guerriers qui ont fait et gagné la guerre. Nous avons réalisé la révolution anti esclavagiste contre les puissances colonialistes, la seule et l’unique dans le monde. Les puissances colonialistes ont peur de nous. Elles pensent que nous pouvons rééditer l’épopée de 1804. A la vérité de ce côté-là elles ont raison, car effectivement nous devons, nous pouvons et nous allons rééditer l’épopée de 1804. Comme disait l’autre, un peuple qui a fait la révolution peut toujours en faire une autre.
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