2025: Année de la Restitution et d'un Renouveau Démocratique en Haïti - Quelles sont les perspectives pour l'avenir ?
Par : Alain Zephyr,
NOTRE EDITORIAL.
1825 : la France a rançonné Haïti. Il est temps de rendre l'argent !
L'année 2025 marquera bicentenaire de l'imposition par la France d'une rançon de 150 millions de francs-or à la République libre et souveraine d'Haïti.
Cette rançon odieuse, imposée sous la menace militaire, a récemment été estimée par le New York Times à 560 millions de dollars actuels. Selon les analyses économiques du journal, si cette somme avait été investie dans l'économie haïtienne, elle aurait pu générer entre 21 et 115 milliards de dollars sur deux siècles, soit un montant pouvant atteindre huit fois le PIB actuel du pays. Aussi, elle a représenté une charge financière immense qui a considérablement appauvri le peuple haïtien. En 1789, Haïti était le grenier de la France et représentait les deux tiers du commerce mondial du sucre. Aujourd'hui, Haïti est confrontée à une pauvreté extrême, la plus criante de tout l'hémisphère occidental. Ce contraste saisissant témoigne d'une histoire tumultueuse marquée par l'exploitation coloniale.
L'imposition de la rançon par la France constituait une double attaque. Non seulement cette rançon visait à piller les ressources économiques de la nouvelle république, mais elle cherchait également à effacer le symbolisme puissant de 1804, où Haïti devint la première nation noire à gagner son indépendance de manière décisive contre une puissance coloniale européenne. Haïti a été contrainte de contracter un prêt de 30 millions de francs pour payer le premier versement de la rançon. L’emprunt était remboursable en 25 annuités de 1200 francs au premier janvier de chaque année. La France cherchait ainsi à éclipser le souvenir glorieux de l'indépendance haïtienne sous le poids écrasant d'un tribut injuste et exorbitant, symbole d'une domination persistante et du refus d'accepter la pleine souveraineté de la jeune nation.
Selon Talleyrand, ministre des affaires étrangères de Napoléon Bonaparte, "L’existence d’une peuplade nègre armée et occupant les lieux qu’elle a souillés par les actes les plus criminels est un spectacle horrible pour toutes les nations blanches." Ces paroles reflètent la peur des Européens face à la propagation des idéaux révolutionnaires et la menace potentielle d'une rébellion d'esclaves réussie en Haïti.
La rançon de 1825 illustre cruellement les préjugés raciaux qui imprégnaient la pensée européenne de l'époque. L'universalisme des Lumières, malgré ses idéaux d'égalité et de liberté, restait imprégné des mentalités racistes profondément ancrées dans la société européenne. L'exclusion des personnes non blanches et non européennes de la pleine jouissance de ces droits témoigne des limites et des ambiguïtés de ce mouvement. L'aspiration à la liberté des "va-nu-pieds" de 1804 s'accordait mal avec cette vision du monde. Par son refus des différences, l'universalisme a pu ouvrir la voie à l'impérialisme culturel de l'Occident, en légitimant l'imposition de ses propres modèles au reste du monde. Cette contradiction met en lumière le rôle central, et souvent occulté, de l'esclavage dans la constitution de la modernité occidentale. L'exploitation des populations asservies a non seulement permis l'accumulation de richesses considérables, mais a aussi profondément façonné les structures économiques et sociales de l'Occident.
Portés par l'élan d'un renouveau démocratique et forts de leur droit inaliénable à l'autodétermination, les mouvements sociaux haïtiens s'apprêtent à réclamer, en 2025, la restitution de la rançon extorquée par la France. Cette exigence de justice historique s'inscrit dans un contexte où la domination et l'exploitation des peuples non-européens étaient légitimées par des théories raciales fallacieuses, révélant une vision profondément biaisée et discriminatoire des Haïtiens par les puissances coloniales. L'heure est venue de réparer cette injustice historique et de reconnaître la contribution inestimable d'Haïti à la liberté humaine universelle.
Vers un renouveau démocratique
Par ailleurs, l'année 2024 a été marquée par une exacerbation des multiples crises qui affectent le pays. La situation, déjà précaire, s'est considérablement détériorée sur les plans économique, humanitaire, sécuritaire et politique, plongeant les citoyens dans une précarité croissante.
En effet, la crise économique en Haïti est alarmante. L'économie haïtienne n'a pas connu de croissance en 2024. Au contraire, elle a subi une contraction, c'est-à-dire un recul de son activité économique, qui se situe entre -1,9 % et -4 %. Depuis 2020, Haïti a subi une perte de richesses de 11,1 %, ce qui représente des millions de dollars qui n'entrent plus dans l'économie locale. Cette chute économique impacte gravement des secteurs vitaux comme la santé, l'éducation et les infrastructures, compliquant la vie quotidienne des Haïtiens. L'inflation atteint des niveaux historiques, avec une augmentation des prix des denrées alimentaires de 50 % en moins d'un an.
La situation humanitaire demeure également préoccupante. Environ 700 000 personnes sont actuellement déplacées, représentant une hausse de 22 % par rapport aux années précédentes. La faim et la malnutrition ont explosé, avec des conséquences dramatiques, notamment pour les enfants. Selon les Nations Unies, près de la moitié de la population (4,9 millions de personnes) souffrait d'insécurité alimentaire aiguë en 2024. Les pénuries de carburant, de médicaments et de produits de première nécessité se sont intensifiées, affectant durement la vie quotidienne des haïtiens.
Le pays fait face à une dégradation profonde de la sécurité. Les gangs prennent le contrôle de plus en plus de territoires, laissant la sécurité publique presque inexistante. Entre septembre et octobre 2023, trois massacres ont eu lieu, causant plus de 400 morts. Les effets de cette crise se font sentir dans tous les aspects de la vie quotidienne. Les écoles ferment leurs portes, les commerces luttent pour survivre, et de nombreux Haïtiens vivent dans une angoisse constante pour leur sécurité et celle de leurs proches. Les autorités se sont montrées incapables de rétablir l'ordre et de garantir la sécurité de la population. La police, sous-équipée et démoralisée, est dépassée par la situation.
Enfin, la crise du populisme alimente et amplifie les autres crises que traverse Haïti. L'héritage toxique du populisme se manifeste aujourd'hui par un État faible, des gangs omniprésents et une violence endémique. Les dirigeants politiques haïtiens sont largement responsables de la crise multidimensionnelle. Leur manque de leadership et d’efficacité contribue largement au chaos en cours. La politique devrait être au service de la population, mais en Haïti, cette mission semble souvent oubliée. Les besoins urgents en matière de sécurité, de justice et de dignité demandent des actions immédiates, pertinentes et durables. Malheureusement, les populistes au pouvoir se complaisent dans l'inaction, la démagogie et l'ingérence étrangère, ignorant les souffrances et les desiderata du peuple haïtien.

Que la nouvelle année vous rapproche de vos objectifs !
Pour sortir de cette spirale de crises, Haïti a besoin d'un renouveau démocratique. Les crises économiques, humanitaires, sécuritaires et politiques exigent une réponse coordonnée axée sur le bien-être des citoyens. Haïti a besoin d'un véritable sursaut national pour relever les défis immenses auxquels le pays est confronté. Rompre avec le populisme, reconstruire un État fort, mettre en place une démocratie qui répond aux aspirations du peuple et promouvoir un nouveau leadership sont des étapes essentielles pour garantir un avenir plus juste, plus sûr et plus prospère pour tous les Haïtiens.
Nous sommes face à un tournant historique. Saisissons cette opportunité pour reconstruire Haïti sur des fondations solides. La lutte pour la restitution, la sécurité et la paix est un défi majeur, mais il est à notre portée. Avec un engagement sincère, des efforts conjoints et une foi inébranlable en l'avenir, Haïti peut tourner la page et entrer dans une nouvelle ère de paix et de prospérité.
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